Tout a commencé lorsque le groupe des aînés de Sakitawak de la communauté métisse d’Île-à-la-Crosse, en Saskatchewan, a entendu parler des serre-tunnels pour maximiser la production alimentaire locale.
Avec une terre de qualité, de l’eau et la chaleur du soleil, ces structures solaires passives construites avec des tuyaux et un revêtement de serre en plastique produisaient de grandes quantités de fruits et de légumes dans d’autres régions nordiques de la province.
« Ce modèle de production alimentaire a provoqué un engouement, explique Napolean Gardiner, directeur général bénévole du groupe des aînés de Sakitawak. Nous avons vu le potentiel de cultiver d’énormes quantités de nourriture à l’Île-à-la-Crosse. »
Les dernières années, la Sakitawak Development Corporation a construit cinq tunnels à l’Île-à-la-Crosse et ajouté quelques acres de jardins extérieurs.
« Ce sont des infrastructures importantes et nous avons vu leurs effets positifs, affirme M. Gardiner. Ces tunnels se sont révélés fiables et extrêmement efficaces pour produire des aliments nutritifs savoureux. »
Grâce à une subvention de Banques alimentaires Canada, rendue possible grâce au Fonds d’urgence pour la sécurité alimentaire d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, le groupe des aînés de Sakitawak a pu accroître la capacité de son jardin en créant des possibilités d’emploi intéressantes.
« Eddie, une enseignante retraitée, travaille désormais dans les serres, explique M. Gardiner. L’été dernier, elle a accueilli 350 membres de la communauté dans le jardin, y compris des élèves du primaire et du secondaire, des aînés, et des gens qui voulaient simplement en apprendre plus. Les visiteurs ont eu l’occasion de participer à la récolte et ils ne sont pas seulement repartis les mains pleines de terre puisqu’ils ont pu rapporter des fruits et des légumes frais. »
Mais ce printemps, lorsque des feux de forêt ont ravagé des centaines de milliers d’hectares dans le nord de la Saskatchewan, les résidents d’Île-à-la-Crosse, y compris Eddie et sa famille, ont été forcés d’évacuer et de laisser le jardin derrière après avoir planté toutes les semences.
Cette année est officiellement la pire saison de feux de forêt enregistrée au Canada. Plus de 10 millions d’hectares ont brûlé jusqu’à maintenant, et la fumée qui a envahi le ciel a suscité plusieurs préoccupations de santé.
« Nous avons dû quitter le jardin pour fuir la fumée, raconte M. Gardiner. Nous avons perdu quelques semaines sans pouvoir entretenir nos serre-tunnels. »
En raison de pannes d’électricité causées par l’incendie, les résidents du village métis du nord ont également dû jeter la viande sauvage et le poisson qui étaient entreposés dans leurs congélateurs; des aliments qui, selon M. Gardiner, ne se remplacent pas en un rien de temps.
« Les incendies comme celui-ci ont certainement un impact sur la faune et la nourriture sauvages, a déclaré M. Gardiner. Les animaux s’enfuient ou sont repoussés, et lorsque ces incendies se produisent, il faut un certain temps aux gens pour retrouver l’accès à des ressources qui sont importantes pour cette économie traditionnelle basée sur la chasse au canard, la chasse à l’orignal, la chasse au lapin et la pêche. Et il ne s’agit pas seulement de la viande, mais aussi des produits forestiers non ligneux : l’épilobe, la menthe sauvage, les plantes qui font partie de la fabrication du thé et des médicaments que les gens utilisent. »
La nourriture a plusieurs significations.
Maintenant que les résidents d’Île-à-la-Crosse ont pu rentrer chez eux, les membres de la communauté collaborent avec Eddie pour sauver la récolte de la saison et soutenir la production d’aliments sains et nutritifs du jardin.
« Nous n’avons pas le choix, explique M. Gardiner. Pendant la COVID, nous avons été complètement coupés du reste du monde et avons vécu des pénuries alimentaires, des problèmes de chaînes d’approvisionnement et plusieurs répercussions. »
M. Gardiner affirme qu’il est essentiel de cultiver, de cueillir et de récolter des aliments à l’Île-à-la-Crosse pour assurer l’autosuffisance et le bien-être des communautés, surtout compte tenu du risque d’insécurité alimentaire auquel font face les communautés nordiques en raison des changements climatiques.
Le projet s’inscrit aussi dans une résurgence de leurs traditions et connaissances culturelles.
« En travaillant de nos mains la terre où marchaient nos ancêtres, nous créons des liens avec notre culture, notre passé et notre vérité. Travailler cette terre, planter de petites graines et les aider à se transformer en plants porteurs de légumes et de fruits est une activité humaine essentielle qui éveille nos esprits, calme nos pensées et nous rappelle nos capacités à prendre soin de nous-mêmes, de nos familles et de notre communauté. Les jeunes et les moins jeunes peuvent travailler dans les serres et les tunnels avec des enseignants pour se remémorer le passé. Ils peuvent mettre en pratique des innovations pour que les plantes et les gens s’épanouissent ensemble. »